La nouvelle Loi Montagne en passe d’être adoptée

Publié le 15 septembre 2016 – Auteur : Coline Mionnet

La nouvelle Loi Montagne en passe d’être adoptée

Après avoir été saisi le 27 juillet dernier par le gouvernement pour rendre un avis en urgence sur le « projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne », le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu son avis le 7 septembre, adopté à l’unanimité. Il fallait agir vite car le projet de loi était présenté en Conseil des Ministres ce 14 septembre par Jean-Michel Baylet, ministre de l’Aménagement du Territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, et devrait être déposé à l’Assemblée Nationale d’ici la mi-octobre.
Datant de 1985 et n’étant pas adaptée aux récentes lois de décentralisation et de réorganisation territoriale, ou encore aux attentes des populations locales et des touristes, c’est sans aucun doute que l’actualisation de la Loi Montagne est nécessaire.
Mais, tel qu’il a été présenté en Conseil des Ministres ce 14 septembre, le projet de loi ne semble pas prendre en compte l’avis rendu par le CESE.

Hémicycle Assemblée Nationale Palais Bourbon Paris

« Des dispositions utiles sur des sujets importants »

Cet avis du CESE est à la fois positif et mitigé à propos du projet de Loi Montagne : « dans sa rédaction actuelle, les mesures prévues sont trop partielles et insuffisamment stratégiques pour répondre à la vision générale annoncée ».

Le rôle du Conseil National de la Montagne et des Comités de Massif

Tout d’abord, il est prévu que le rôle du Conseil National de la Montagne (CNM) et des Comités de Massifs, représentant les massifs français, soit renforcé. « Ces deux instances seraient consultées systématiquement en ce qui concerne la montagne en général, une bonne chose » selon Michèle Nathan, rapporteur de l’avis du CESE. Toutefois, le CESE préconise que des représentants de l’économie sociale et solidaire et d’associations soient intégrés au CNM et dans les Comités de massifs et que ces deux instances soient « pleinement associées pour promouvoir le développement durable des zones de montagne » et ses trois dimensions sociales, économiques et environnementales.

Belle Plagne en hiver

Une meilleure couverture 3G

Au titre de l’accessibilité numérique et de l’attractivité des territoires de montagne, le CESE approuve la volonté du projet de loi de résorber les zones blanches 2G et 3G dans ces territoires via une expérimentation. Il préconise notamment d’accélérer leur couverture en très haut débit « sans se limiter à quelques points couverts par les communes ».

Saisonniers, emploi et formation

Autre enjeu important avec lequel le CESE tombe d’accord : améliorer les conditions d’hébergement des travailleurs saisonniers en zone de montagne, souvent compliquées, par la mise en place de deux dispositifs :
• l’intermédiation locative, ou la mobilisation de logements vacants par des bailleurs sociaux pour des saisonniers,
• et l’obligation de définir un plan d’action sur trois ans par convention pour les communes touristiques de montagne avec les partenaires locaux du logement.

Le projet de « loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne » vise également à favoriser la formation professionnelle, qui « doit être adaptée aux réalités montagnardes », ainsi que la pluriactivité, dont la bi-qualification. Il prévoit notamment dans ce cadre l’expérimentation d’un dispositif d’emploi partiel pour les saisonniers travaillant aux régies des remontées mécaniques, des pistes de ski de fond ou alpin. Cette expérimentation viserait à « sécuriser le parcours professionnel des salariés » selon le projet de loi, qui n’est pas très détaillé sur cette partie.

La forêt et les pouvoirs des Parcs naturels

Dans le projet de loi Montagne – Acte II, pas un mot sur la gestion de l’eau et la préservation des milieux aquatiques, un oubli regretté par le CESE.
Quant aux forêts, le projet prévoit simplement que les conditions pour établir un document d’aménagement forestier ou un plan simple de gestion seront adaptées aux réalités des forêts de montagne. Ces plans « pourront ne concerner qu’un propriétaire, et ils verront leur périmètre élargi à un territoire géographique cohérent d’un point de vue sylvicole ».

Forêt de conifères

Sans plus de précisions dans le texte, rendez-vous à l’Assemblée Nationale en octobre.

Il fallait par ailleurs actualiser le projet de Loi Montagne avec la récente loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui renforce le rôle du syndicat mixte d’aménagement et de gestion des parcs naturels régionaux (PNR). Il est confié aux PNR de montagne la mission de participer au tissage de solidarités entre les territoires urbains et montagnards.
En outre, en application de la Convention alpine, le projet de loi autorise les PNR et les parcs nationaux situés en zone de montagne à définir des zones de tranquillité dans leur charte. Une mesure saluée par CESE qui souhaite la préservation des « richesses naturelles inestimables de la montagne », et notamment de sa biodiversité.

Dérogation au transfert de la compétence « Promotion du tourisme »

A partir du 1er janvier 2017, la loi NOTRe a prévu le transfert de la compétence « Promotion du tourisme » aux intercommunalités. Mais les stations de zone de montagne sont attachées à leur identité et à leur office de tourisme local, souvent éloigné de l’office de tourisme intercommunal (OTI) dont ils dépendent.
Par exemple, avec la loi NOTRe, les touristes en vacances aux Saisies devraient aller à l’OTI d’Albertville pour se renseigner, soit 45 minutes de trajet en voiture ou en bus… Le projet de la nouvelle Loi Montagne propose la possibilité d’une dérogation à ce transfert de compétence pour les communes classées « station de tourisme » ou en cours de classement.
Le CESE comprend la recherche d’une telle dérogation mais regrette qu’il ne soit pas fait mention aux stations de montagne connaissant des difficultés économiques dans le projet de loi, notamment face aux changements climatiques. En effet, les communes non classées « stations de tourisme » seraient laissées en marge de cette dérogation.

La rénovation des hébergements de loisir

Une partie des hébergements touristiques datent de 1960 à 1980 et sont sous occupés, multipliant ainsi le nombre de « lits froids » (hébergements loués moins de 4 semaines par an). Afin de favoriser la réhabilitation de l’immobilier de loisir, l’article 19 du projet de loi vise à moderniser la procédure des Unités Touristiques Nouvelles (UTN), spécifique aux territoires de montagne. Les UTN locales seraient alors programmées dans les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) et les UTN « structurantes » dans les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT). Les projets de SCOT sont soumis à l’avis des comités de massifs mais si la commune n’est pas couverte par un SCOT, comme c’est le cas pour ¾ des stations de montagne, une dérogation à l’autorisation préalable des projets sera possible auprès du représentant de l’Etat.
Le CESE comprend la volonté de simplification des procédures mais « s’interroge sur l’opportunité de cet article », qui ne doit pas conduire à s’exonérer du droit de l’environnement.

Un message fort du CESE mais non retranscrit

Dès le début de son avis rapporté par Michèle Nathan au nom de la section de l’aménagement durable des territoires, le CESE affirme que « le développement durable de la montagne est un enjeu important ». Dans une interview vidéo diffusée sur le site web du CESE, Michèle Nathan précise : « la montagne joue un rôle important dans l’adaptation générale aux changements climatiques (…) Elle représente pour la France, une richesse inestimable. »
D’autre part, le Conseil regrette que la politique de handicaps naturels ne soit pas réaffirmée dans les objectifs de la politique de la montagne, comme l’accès aux services de santé, d’éducation, de formation professionnelle ou culturels… Il rappelle notamment l’importance de la préservation des terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières.

Sources

Projet de loi Montagne, Acte II (PDF)

Communiqué de presse de l’ANEM (PDF)

Séance plénière du CESE du 13 septembre 2016 à propos de la loi Montagne(Vidéo sur YouTube)

Interview vidéo de Michèle Nathan (YouTube)