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Publié le 20 novembre 2018 – Auteur : Daniel Mionnet

L’eau, un enjeu majeur pour les territoires de montagne

Avec la forte réduction en volume des glaciers depuis 50 ans, le manque de précipitations estivales et automnales et les températures caniculaires enregistrées cette année, l’eau devient une préoccupation capitale à l’approche de la pleine saison de ski dans les territoires de montagne. La production de neige artificielle risque, si le ciel ne prodigue pas ses pluies, d’être compromise, principalement en Haute Savoie où les stations sont les plus nombreuses.

Préemption d’eau à La Clusaz

André Vittoz, maire de La Clusaz dans le massif des Aravis, a dû faire face à un dilemme ces dernières semaines face à l’inquiétude sur les disponibilités en eau de sa commune. D’un commun accord avec la régie publique O Aravis, il a pris la sage décision de réserver, pour les besoins des habitants de sa commune, un stock d’eau de 100.000 mètres cubes sur un réservoir normalement affecté à l’alimentation des canons à neige de la station.
La Haute Savoie est en effet l’un des départements les plus touchés cette année par la sécheresse due au manque de précipitations et à la chaleur exceptionnelle de cet automne.

Annecy : on a marché sur le lac

Le niveau du Lac d’Annecy est au plus bas depuis 71 ans, pour les mêmes raisons. La navigation est rendue difficile, voire impossible en certains points. Les promeneurs ont ainsi pu « marcher sur le lac » et constater la réalité du changement climatique, si certains en doutaient encore.
Annecy accuse depuis l’été un déficit de précipitations inhabituel, 50% en septembre, 80% en octobre et certainement autant aux deux tiers de novembre. Des pluies importantes et prolongées seront nécessaires dans les prochains mois pour faire remonter le niveau du lac. Le “découvert” du lac s’éléve en effet à près de 20 millions de mètres cubes; il suffit en théorie de 10 centimètres de pluie sur l’ensemble de son bassin versant pour que ce joyau des Alpes retrouve son niveau normal. Mais il faut tenir compte des eaux d’infiltration, de l’évaporation, du prélévement naturel des végétaux et des prélévements humains pour avoir une idée approximative de la hauteur de précipitations nécessaire, soit sans doute de 3 à 5 fois plus. Avec les données de pluviométrie de l’hiver dernier, il faudrait 2 à 4 mois pour redonner au lac la physionomie que nous lui connaissions. Mais que nous réserve l’hiver 2018/2019?

Le lac de Paladru, en Isère, porte lui aussi les stigmates de la sécheresse. Son niveau avait perdu 1m70 fin octobre, et certains des ruisseaux qui l’alimentent ne lui apportent plus qu’un mince filet d’eau. Inquiétant pour cette zone naturelle protégée où se reproduisent des dizaines d’espèces de poissons.

Vidéo “Lac d’Annecy novembre 2018 – Le niveau toujours aussi bas, par Life Style sur YouTube

Dans certaines communes, l’eau ne coule plus au robinet

Toujours en Haute Savoie, dans le Massif des Bornes, le village de Dingy-Saint-Clair a dû être ravitaillé par un camion citerne de 32.000 litres début novembre, les sources locales étant taries. Le précieux liquide provenait d’une localité proche, La Balme de Thuy, qui a accepté de partager sa ressource par solidarité avec ses voisins.
Certaines communes de la Vallée Verte et de la Vallée de Tônes dont Féternes, Champange, Larringes, Vinzier et La Vernaz ont également dû s’approvisionner dans des communes voisines où l’eau coule encore.
Ce ne sont probablement que les premiers épisodes d’une période de rareté et il nous faudra rompre avec les habitudes du passé et mieux gérer cette ressource qui nous paraissait si abondante qu’on en gaspillait une grande partie.

Agriculture impactée dans le Massif Central

Dans les Monts du Forez, les éleveurs de bovins se sont vus contraints d’entamer leur stock de foin 1 mois avant l’échéance normale. Dans les pâturages, l’herbe est famélique et les vaches restent le plus souvent à l’étable.
Dans le Puy de Dôme, comme dans de nombreux départements, le préfet a déclaré l’état d’alerte renforcé qui impose des restrictions d’eau pour l’arrosage des jardins et le remplissage des piscines. Ici aussi, l’agriculture souffre et tous les volumes de production seront en baisse.
Dans le Cantal, les éleveurs de vaches Salers sont également confrontés à une sécheresse sévère qui a privé les bovins d’herbe dés le mois d’août. Malgré quelques pluies d’orage qui ont légérement ravivé les pâturages, la production de fromage AOP Salers est en déficit de 20%, ce qui entraîne une perte importante pour plus de la moitié des 80 éleveurs du terroirs.

Vaches Solers Monts du forez Fourne d'Ambert

Dans plus de 60 départements, une demande de reconnaissance de calamité agricole a été déposée auprès du Ministre de l’agriculture. Le comité des calamités agricoles devrait se réunir prochainement pour examiner l’ampleur des pertes dans les départements sinistrés.
Excepté les Pyrénées et les Alpes du Sud, tous les massifs français sont dans un état inquiétant de pénurie d’eau, et les précipitations annoncées pour ce début de semaine ne devraient malheureusement pas solutionner le problème rapidement, vu l’importance du déficit.

Dans le Jura, le Doubs a disparu !

C’est probablement le phénomène le plus spectaculaire que cette année historiquement chaude et sèche aura produit. La principale rivière du Jura a disparu, le mince ruisseau qui devrait normalement subsister est englouti dans les entrailles de la terre. Le célèbre Saut du Doubs, classé Grand Site National, ne saute plus.
L’effet combiné de la sécheresse, de la chaleur et des infiltrations dans le sous-sol truffé de cavités a compétemment évaporé sur 20 kilomètres cette superbe rivière aux berges boisées. Les conséquences sont catastrophiques pour l’écosystème du bassin du Doubs, poissons, batraciens et oiseaux mais également les mammifères qui venaient s’y désaltérer.
Et cela dure depuis début août.