Publié le 15 Novembre 2016 – Auteur : Coline Mionnet
Trump peut-il être le fossoyeur des Accords de Paris ?
Tandis que se tient la COP22 à Marrakech, le choc que constitue l’élection de Donald Trump comme prochain président des Etats Unis a laissé les démocrates de toute la planète groggys, abasourdis par cet événement qu’on voulait croire impensable. En ces temps difficiles où les civilisations, les cultures et les religions s’entrechoquent brutalement, il apparaît que le clivage rassemble et que l’apaisement clive, paradoxe inattendu né de la mondialisation et des craintes qu’elle suscite, parfois à juste titre, dans les sociétés occidentales.
Il faut toutefois absolument relativiser le résultat du vote US, Hilary Clinton ayant obtenu un léger avantage en nombre de voix, mais le système électoral fédéral américain permet cette aberration que l’élu soit le perdant en terme de suffrages populaires. On appelle cela la plus grande démocratie du monde !
D’autre part, fait incompréhensible en France, le directeur du FBI a attendu la période de scrutin pour évoquer des poursuites contre H. Clinton pour l’affaire des emails, avant de se rétracter quelques jours plus tard. Rien de tel pour conforter le candidat républicain dans les accusations de corruption et de complotisme qui ont servi de colonne vertébrale à sa campagne électorale.
Une opinion publique favorable aux Accords de Paris
Mais le nouveau président de la seconde puissance mondiale pourra-t-il réellement dénoncer cet accord auquel les deux tiers des citoyens adhéreraient, selon un sondage New York Times/CBS News effectué au début de l’année ? C’était avant, il est vrai, que la personnalité sulfureuse de Trump ne divise profondément la population des Etats-Unis.
Un autre sondage du Yale Project on Climate Change Communication (YPCCC) confirmait fin 2015 que 71% des américains considérait que la signature des Accords de Paris était « importante » et 43% « très ou extrêmement importante », avec, ce qui n’a rien de surprenant, une appréciation très différente entre Démocrates (85%) et Républicains (64%).
Enfin, un sondage publié par le même YPCCC révèle que, dans les 27 Etats où le Clean Power Plan (Plan Energies Propres) a été mis en place fin 2015, une large majorité des citoyens (61%) souhaite le démantèlement progressif des centrales à charbon. Pourtant, sous la pression d’une majorité de gouverneurs de ces Etats, la Cour Suprême a suspendu la mise en place de ce Plan en février 2016.
Trump est-il en contradiction avec les enjeux du futur ?
Outre le fait que la dénonciation des Accords de Paris remettrait en question la crédibilité de la signature des Etats-Unis, les troubles qu’une telle décision ne manquerait pas de déclencher dans toutes les couches sociales du pays obligeraient probablement Trump à renoncer à sa promesse irréfléchie.
Aux Etats-Unis, de nombreuses entreprises se sont projetées dans l’avenir avec les technologies liées au développement durable. En Californie, au Texas, au Colorado, la course aux éoliennes et au photovoltaïque, mais également au solaire thermique et aux voitures électrique est lancée. C’est un nouveau secteur économique qui ne laisse pas de marbre le monde financier, prêt aujourd’hui à accompagner ce secteur potentiellement le plus porteur de bénéfices depuis la démocratisation de l’automobile.
En effet, le coût du kilowatt-heure solaire ou éolien concurrence désormais celui du charbon, et même celui du nucléaire si l’on prend en compte les questions de dépollution des sites et de stockage des déchets.
Il faut compter sur ces nouvelles forces vives de la nation américaine pour refuser la remise en question des objectifs que les Accords de Paris ont défini, et que les Américains ont massivement adoptés. Depuis le développement d’Internet et de la téléphonie mobile, aucun secteur n’a fait preuve d’autant de créativité pour inventer la société de demain.
Toutes les grandes universités américaines se sont impliquées pour former les meilleurs ingénieurs dans les nouvelles technologies du développement durable, que ce soit les cellules solaires, les batteries pour la mobilité électrique, les réseaux intelligents, les biotechnologies ou encore les turbines éoliennes. Les enjeux s’annoncent gigantesques, la motivation est au rendez-vous, il n’est donc pas sûr qu’un Trump puisse ramener les Etats-Unis 50 ans en arrière.
De plus, il est urgent pour les Etats-Unis d’Amérique d’agir rapidement pour limiter le dérèglement climatique dont ils sont parmi les premières victimes. Sécheresse persistante dans les Etats du sud-ouest, cyclones de plus en plus fréquents et dévastateurs dans les Etats du sud-est, diminution des ressources hydriques dans les grandes plaines centrales ou encore montée du niveau de la mer au nord-est sont autant de menaces graves et persistantes pour toutes les régions de la seconde puissance économique de la planète.
La brutalité comme moyen de pouvoir
Trump a mené une campagne où la démagogie et l’absurdité n’ont jamais atteint un tel niveau, sauf aux Philippines où Duterte, élu avec moins de 40% des voix, légalise le crime et mène le pays vers la guerre civile.
Mais, bien sûr, les Philippines n’ont rien de comparable avec les Etats-Unis où les contre-pouvoirs sont puissants et que Trump n’a pas acquis par avance.
Les prochains mois nous apporteront la réponse à la question titre de cet article, mais il faut espérer que, comme l’ont démontré ses dernières déclarations où pointe une volonté d’apaisement, Trump s’en tienne à une politique raisonnable, finalement en ligne avec celle de ses prédécesseurs. Les promesses démagogiques n’engagent que celles et ceux qui y croient, c’est bien connu.
Sources et liens
Article sur wheather.com (anglais)
“La Cour Suprême suspend le plan Energies Propres”, sur le site Yale.edu (anglais)
“Les américains soutiennent les Acords de Paris”, sur le site Yale.edu (anglais)
“Duterte, le président-sheriff ultra-violent”, sur TV5 Monde