L’effet antisocial des mesures de restriction de circulation
Alors que les vallées alpines et l’Ile de France retrouvent une qualité de l’air acceptable, les différents épisodes d’alerte aux particules fines que nous venons de connaître posent la question douloureuse d’une écologie punitive pour les plus modestes.
Pendant des décennies, autant par une fiscalité favorable au carburant gas-oil que par la promotion commerciale soutenue des voitures à motorisation diesel, les pouvoirs publics ont largement encouragé leur développement, si bien que le parc diesel français est passé d’environ 15% en 1990 à 73% en 2012.
Un parc automobile essentiellement diesel
Le système de bonus/malus écologique mis en place en 2007, quand la priorité était de limiter les émissions de CO², a encore amplifié l’attrait des automobilistes pour les véhicules diesel, dont les nouvelles immatriculations passaient de 49% en 2000 à plus de 77% en 2007.
La robustesse et la longévité des moteurs diesel font qu’aujourd’hui le parc diesel roulant dépasse largement les 50%, alors que les courbes de ventes diesel/essence se sont inversées en 2012. Si, en 2016, les ventes de voitures diesel neuves se sont effondrées à 52%, elles constituent néanmoins l’essentiel de l’offre en occasion, et les modèles de plus de 10 ans, encore en parfait état, restent abondants et économiques à l’achat et en entretien.
Les particules fines s’invitent dans le dĂ©bat
Mais les codes ont changé, et la priorité, incontestable, est devenue la réduction des émissions de particules fines, principalement dues aux véhicules diesel anciens, qui sont essentiellement possédés par des ménages aux revenus modestes, et parfois très précaires économiquement.
Même avec des primes à la casse attrayantes, l’achat d’une voiture d’occasion récente (inutile de parler d’une neuve) est souvent impossible pour cette partie de la population du fait de la précarité du travail et de l’impossibilité d’accès au crédit qui en découle. Les jeunes sont les plus pénalisés par ce système, ainsi que les exclus de l’emploi.
Un dispositif répressif et profondément antisocial
Les dispositifs répressifs mis en place accentuent encore ces inégalités vis-à -vis de la mobilité. Ainsi, l’amende pour non-respect des consignes de restriction de circulation représente presque 10% des ressources d’un allocataire du RSA, mais seulement 1% de celles d’un cadre moyen qui perçoit 3500€ de rémunération !
Mais en réalité, ce dernier n’aura jamais l’occasion d’être verbalisé, puisque ses ressources lui permettent de circuler dans un véhicule récent, ou, dans le cas d’une circulation alternée, de posséder deux voitures, avec des immatriculations paire et impaire.
Le risque du réflexe populiste
Bien sûr, certaines agglomérations proposent, comme c’est le cas à Grenoble, la gratuité des transports en commun pendant des jours de restriction de circulation. C’est une solution intéressante, mais partielle, car les réseaux ne couvrent pas tous les territoires ou contraignent parfois à effectuer des parcours démultipliés en temps et en distance.
C’est évidemment un dilemme pour les responsables, et les solutions idéales, si elles existent, restent à trouver. Toujours est-il que nous entrons dans une phase d’écologie impopulaire, extrêmement punitive et inégalitaire, et qui ne peut produire que des conséquences délétères, du genre plébiscite de Trump dans les régions minières des Etats-Unis.
La double peine
Cependant, la gravité du problème des pics de pollution et ses conséquences sur la santé des habitants doivent être traitées en absolue priorité.
Les causes des épisodes de pic doivent être analysées avec acuité et tout doit être mis en œuvre pour que les habitants des vallées ne subissent pas une double peine, des risques sanitaires majeurs et une limitation de leur mobilité, tous deux inversement proportionnelle à leurs revenus.
Il y a extrĂŞme urgence
Des solutions existent, certaines sont en débat depuis des décennies :
• Le ferroutage vers l’Italie, qui allĂ©gerait le trafic de poids lourds vers le tunnel du Mont Blanc, dont les travaux ont commencĂ©
• L’acheminement par fer ou bus des touristes vers les stations de montagne, Ă des tarifs compĂ©titifs
• La mise en place de rĂ©seaux de voitures Ă©lectrique partagĂ©es, comme Autolib Ă Paris.
• La construction d’un rĂ©seau de tramway aĂ©rien par câble (projet Ă l’Ă©tude Ă Grenoble)
• Des aides exceptionnelles et l’accès au crĂ©dit pour le remplacement des voitures diesel anciennes dans les zones critiques, Ă©ventuellement par la caisse d’Allocations Familliales.
• L’indexation des amendes Ă caractère environnemental sur le revenu fiscal de rĂ©fĂ©rence.
• La maĂ®trise, voire le blocage des prix de l’énergie, en particulier du gaz pour le chauffage en milieu urbain.
• L’amĂ©lioration du filtrage des Ă©missions des appareils de chauffage Ă bois et Ă charbon.
Certaines de ces solutions sont Ă l’Ă©tude ou en cours de rĂ©alisation.
Le projet”La Transalpine Lyon Turin” devrait dĂ©buter prochainement Ă Saint Martin les Portes, et un surpĂ©age poids lourds permattra de financer en partie les travaux, dont 40% de la facture sera rĂ©glĂ©e par l’Union EuropĂ©enne. Le tunellier Federica, d’un diamètre de 11 mètres, a Ă©tĂ© livrĂ© en pièces dĂ©tachĂ©es dĂ©but 2016, et son montage achevĂ© en fin d’Ă©tĂ©. Il a commencĂ© le creusement d’un tronçon “de reconnaissance”, mais il faudra encore de nombreuses annĂ©es avant que les convois n’y circulent.
Sources et liens
caractéristiques du parc automobile français, Ministère EEM
Carte des niveaux d’alerte pollution en France
Carte des niveaux d’alerte pollution en rĂ©gion Auvergne-RhĂ´ne-Alpes
Articles en relation
Les chiffres clés du climat, édition 2017
Symbio FCell, précurseur de la mobilité hydrogène
Trump peut-il ĂŞtre le fossoyeur des accords de Paris
Grenoble: un plan pour lutter contre les pics de pollution